Cas d'entreprise
Boîte à outils
Dans cette entreprise, filiale d’un groupe international, nous avons été sollicités par le CHSCT pour réaliser une expertise dans le champ des RPS : - les salariés avaient connu de nombreuses réorganisations des services, un déménagement chaotique et un nouveau plan social était annoncé ; - le CHSCT avait exercé son droit d’alerte à deux reprises, en raison d’une situation de danger grave et imminent pour les salariés concernés ; - le service de santé au travail avait alerté la direction sur la dégradation de la santé mentale des salariés et le débordement de l’infirmerie, dans l’impossibilité de faire face aux trop nombreuses demandes des salariés en souffrance ; - la direction des Ressources Humaines, en sous-effectif était surchargée et affectée par un taux inhabituel d’absentéisme avec des cas de burn out ; - dans ce contexte, les membres élus du CHSCT ne s’estimaient eux-mêmes plus en mesure de remplir leur mission visant à "contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement", ne parvenant plus répondre à la multiplication des sollicitations des salariés.
La demande vis-à-vis du cabinet était double : - établir un diagnostic des risques psychosociaux en vue de la mise en place d’une démarche de prévention ; - outiller ainsi le CHSCT pour lui permettre de jouer pleinement son rôle d’acteur de la prévention.
La mission a été menée selon deux axes, répondant à deux objectifs : - donner au CHSCT les moyens de comprendre les déterminants de la souffrance psychique des salariés ; - fournir des axes de prévention de nature à réduire l’exposition aux risques psychosociaux dans l’entreprise.
Cette mission a été suivie par une instance informelle ad hoc, composée des représentants du personnel (CHSCT, CE, ou DP), se sentant particulièrement concernés par la problématique des RPS. Au cours de cette mission, nous avons également été en contact régulier avec le service de santé au travail. Plusieurs évènements sont venus se greffer sur le déroulé de l’expertise, en perturbant le calendrier de réalisation : - Outre un PSE… - Un changement de gouvernance (Direction générale), le départ du DRH avec le recrutement d’un remplaçant, lui-même en CDD ; - l’action en justice de l’ensemble des OS, CE, CHSCT contre la direction générale (internationale) du groupe pour mise en danger des salariés de leur filiale française. Dans la mesure où nous démarrions nos travaux parallèlement à une expertise CHSCT ayant pour objet d’appréhender les impacts du PSE en termes de conditions de travail, nous avions prévu d’intervenir en deux phases, pour ne pas interférer avec l’autre cabinet : - dans un premier temps, nous allions cibler nos entretiens en direction des services non directement touchés par la restructuration ; - dans un second temps, nous comptions privilégier les salariés restants des services directement impactés par le PSE. En pratique, du fait d’un important décalage dans la mise en route de l’intervention, celle-ci a été menée intégralement après la procédure d’information / consultation sur le projet de restructuration, les avis des instances ayant été remis. Il a cependant été convenu avec les membres du CHSCT de conserver deux phases à notre mission : - une première serait basée sur la psychologie clinique du travail et consacrée à des entretiens individuels auprès de salariés sélectionnés sur la base du volontariat ; - une seconde, dont l'objet serait affiné à l'issue de cette première étape. La première phase a donné lieu à 50 entretiens individuels réalisés par des psychologues et a fait l'objet d’un rapport écrit intermédiaire et d’une restitution orale, à laquelle était invité le PDG de la filiale française. En ce qui concerne les modalités de la seconde phase de la mission, trois possibilités ont été envisagées avec l’instance de suivi : - un questionnaire pourrait être adressé à l’ensemble des salariés afin de quantifier les phénomènes mis en exergue durant la première phase et d’identifier les lieux (services ou métiers) les plus affectés ; - une publication pourrait être suivie dans ses différentes étapes, depuis le pré-presse, la rédaction jusqu’à la fabrication et la commercialisation. Cela permettrait d’illustrer, sur la base de l’observation de l’activité des salariés, les dysfonctionnements, aléas, perturbations quotidiennes du travail réel qui se traduisent par des contraintes fortes sur les salariés et de la souffrance psychique ; - une série de restitutions pourrait s’adresser à l’établissement parisien dans son ensemble, faisant réagir les participants afin d’illustrer ou d’infléchir le diagnostic effectué en première phase et de concevoir ensemble des pistes d’amélioration du travail. C’est finalement cette dernière solution qui a été retenue par l’instance de suivi, le nouveau Directeur des Ressources Humaines apportant son soutien à la démarche, quelque peu décalée par rapport aux objectifs "classiques" d’une expertise CHSCT. Sans aller jusqu’à la mise en place d’un plan de prévention "clés en mains", la place consacrée aux mesures à prendre pour répondre à la dégradation de la situation psychosociale était très importante dans cette intervention. Une communication a donc été proposée par le cabinet et a fait l’objet d’une divulgation du CHSCT par mail et diffusion de tracts. Sextant Conseil s’est ainsi adressé à l'ensemble des salariés de l’entreprise, qu'ils aient ou non participé à des entretiens en organisant une série de réunions d’information et d’échanges se fondant sur les résultats de son intervention (première phase), avec pour objectif de faire émerger, à partir d’exemples issus du travail, des pistes d'amélioration des conditions de travail et de prévention des risques psychosociaux. Ces réunions, conduites par un binôme composé d’un psychologue et d’un ergonome, comprenaient deux temps : - tout d'abord, était présenté un « état des lieux » de la situation au sein de l’entreprise, d’après le rapport d’étape du cabinet; - puis les salariés réagissaient en évoquant en écho leur propre situation de travail et échangeaient sur des chemins d’améliorations possibles de leur vie au travail, en termes organisationnels, humains, managériaux... Douze réunions se sont tenues, ciblant plus particulièrement un métier ou service. S'il était recommandé de se joindre au groupe le plus pertinent en fonction du poste occupé au sein de l’entreprise, les réunions étaient néanmoins ouvertes à tous, afin de ne pas faire obstacle à la participation d’un salarié indisponible à un autre groupe dont la date lui convenait mieux. Les services suivants ont ainsi successivement été représentés : Commercial DRH, Direction Générale, Direction Financière, Comptabilité, Contrôle de gestion… Édition Software, Online Pré-presse et Fabrication Relation Clients, Administration des ventes Formalités, DSI Presse / Édition Cycliques, Petites Annonces… Formation Marketing, Évènementiel. Près de 100 salariés ont participé à ces réunions. Au total, sur les deux phases, ce sont 125 personnes, hors représentants du personnel, qui ont apporté leur contribution à cette expertise (une vingtaine ayant participé aux 2 phases). Un rapport final d’environ 100 pages a été remis ; nos conclusions ont été présentées au CHSCT, en réunion préparatoire et en réunion plénière. Des restitutions supplémentaires ont eu lieu à la demande de la Direction : - Devant le Comité d’entreprise, présidé par le nouveau Directeur Général ; - Devant les membres du Comité Exécutif ; - Devant le médiateur nommé à l’issue de l’action en justice, personnalité éminente chargée d’accompagner la direction et les représentants des salariés dans l’élaboration du plan de prévention des risques psychosociaux.
Tout d’abord, c’est la dynamique de l’intervention, qu’il nous parait important de relever, puisqu’elle a permis : - La reconnaissance par l’employeur de la réalité de la souffrance des salariés et une prise de conscience de la nécessité d’agir pour remédier à la situation et en prévenir l’aggravation : l’implication de la Direction générale et l’invitation du Comité exécutif à entendre les conclusions de nos analyses en sont l’un des témoignages ; - L’appropriation de nos conclusions par les représentants du personnel et la diffusion de celles-ci aux salariés dans leur ensemble : une petite brochure a été élaborée par les représentants du personnel de cette entreprise de l’édition pour être proposée à l’ensemble du personnel : celle-ci fournissait un résumé de notre rapport, reprenant les concepts, le diagnostic et point par point les réponses proposées en termes de prévention primaire, secondaire et tertiaire ; - Une implication forte des salariés à qui l’intervention a donné l’opportunité de s’exprimer sur les réalités de leur travail, leurs contraintes, ouvrant sur une possibilité d’agir pour remédier aux dysfonctionnements et retrouver des marges de manœuvre. Sur le fond, après des rappels pédagogiques sur les concepts maniés dans le registre psychosocial (facteurs, risques, troubles ; prévention primaire, secondaire ou tertiaire) ainsi qu’un diagnostic complet de la situation au sein de l’entreprise, nous avons recensé 9 facteurs de risques psychosociaux spécifiques à celle-ci. Nous en avons exposé les ressorts et les implications et nous avons proposé, pour chacun d’entre eux, un plan d’action cohérent : en spécifiant pour chacune des mesures proposées, s’il s’agissait d’une réponse renvoyant à un traitement primaire, secondaire ou tertiaire.