Cas d'entreprise
Boîte à outils
Cette mission s'est déroulée au sein d'un organisme bailleur social. Elle concerne une intervention de terrain en psychologie du travail. A partir du questionnement de la direction de l’entreprise face à une augmentation de « l'inaptitude au travail chez les gardiens d'immeuble depuis trois ans, environ », à travers l’analyse clinique d’une tâche (la prise en charge et la gestion de la réparation d’une fuite d’eau), nous avons analysé et mis en corrélation la « demande » des gardiens, à savoir : « le manque d'autonomie dans le choix des entreprises prestataires et dans la prise de décisions ». A travers les différentes pratiques et leurs controverses de métier concernant l'accomplissement de différentes tâches, l’analyse a permis d'approfondir les notions du « faire », du « travailler » et de l’ « agir » chez le gardien. Dans un métier, où le gardien est seul par définition, la fonction du « collectif de travail » peut-elle constituer une ressource pour se ressaisir de ses propres pratiques, prendre l’initiative d’en tester de nouvelles en ré-élaborant ainsi la procédure pour la transformer en instrument de travail au service de la tâche ? Pour réaliser cette analyse, nous nous sommes notamment appuyés sur les concepts de prescription, d’activité empêchée, de « travail collectif », de « collectif de travail » et de la ré-élaboration de la prescription dans le réel du travail.
Dans le cadre du "contexte" décrit ci-dessus, la direction des ressources humaines (DRH), nous a reformulé la problématique, objet de la mission, de la manière suivante : « Dans un contexte d'importants investissements financiers, logistiques, matériels professionnels …, qu'est-ce qui explique l'aptitude et l'inaptitude des « gardiens d'immeubles » depuis trois ans, environ ? ». Face à cette question, l'entreprise mettait notamment en lien, une partie du métier de gardien : la gestion des ordures ménagères (OM) ainsi que l'entretien ménager (EM), la partie la plus « physique » du métier et donc celle susceptible d'engendrer des accidents de travail, pouvant déclencher une restriction de tâches, voire à terme une inaptitude définitive.
L'objectif de l'intervention en clinique de l'activité est d'apporter une réponse en remettant au centre du débat le travail, les différentes pratiques de métier et les controverses entre ces différentes pratiques. Dans le cas spécifique, l'entreprise souhaitait comprendre les causes de l'augmentation du taux d'inaptitude au travail des gardiens. A travers d'importants investissements, l'entreprise avait procédé à alléger les tâches les plus physiques du métier sans véritable diminution du taux d'inaptitude. Notre intervention tentait, à travers une autre méthodologie, d'apporter une réponse. Notre réponse méthodologique a été fondée sur une analyse de l'activité collective menée avec des gardiens volontaires. Cadre de l'intervention : constitution d'un collectif de gardiens, périodicité des séances : 2 séances par mois, durée de la séance : 90 minutes, participation volontaire, assiduité, restitution des résultats par les professionnels eux-mêmes à la direction de l'entreprise.
Face à cette « commande », les gardiens que nous avons sollicités et réunis en collectif de travail, ont souhaité travailler sur la problématique suivante : « Le manque d'autonomie dans le choix des entreprises prestataires et dans la prise de décisions ». Contrairement à la préoccupation de l'entreprise qui posait l'hypothèse d'une corrélation entre l'inaptitude et la "partie physique" du métier de gardien (OM) et (EM), la « demande » des gardiens, traduisait le souhait de recentrer la réflexion sur la partie administrative du métier, le manque d’autonomie dans le choix des entreprises qui interviennent dans le cadre d'une réparation ou d'une réhabilitation d'appartement. Dans l’approfondissement de leur demande, au cours de nos séances, les échanges des gardiens se sont focalisés précisément sur deux outils informatiques de gestion de la réclamation clients, introduits cinq ans plus tôt dans l'entreprise.
Entre la commande de l'entreprise et la demande des gardiens, au fil des séances, nous avons observé que face à la même tâche et à une procédure organisationnelle associée, l'interprétation et la personnalisation de la procédure par les gardiens, était très différente. Ce « retour » sur la réalisation de la tâche et donc du mouvement de la tâche prescrite à la tâche réalisée, nous permettait de nous apercevoir que si certains gardiens face à une réparation, trouvent des solutions, d'autres ne peuvent pas y parvenir à cause de la même procédure, laissant ainsi l'action suspendue. Nous avons voulu comprendre comment font ceux qui réussissent et grâce à quelles ressources. Les avancées de notre intervention ont été progressives. Au cours de notre intervention nous avons observé que : - lorsque le gardien a des marges de manœuvre par rapport à la prescription, des déplacements peuvent avoir lieu, sous forme de prise d’initiative, comme nous l’avons observé pour les échanges de pratiques de « nettoyage de containers » et de « commande de sacs poubelle » (activités OM et EM). Ces déplacements, pour tester des nouvelles pratiques, ont pu avoir lieu grâce aux échanges entre pairs mettant en évidence l'importance de la "dimension interpersonnelle" dans l'exercice du métier de gardien ; - lorsque le Gardien a peu ou pas de marges de manœuvre et sans appui interpersonnel, il ne reste que l'impersonnel de la prescription. Cette hypothèse est à prendre sérieusement en compte lorsque le gardien est seul sur son site par rapport à des gardiens en multi-sites. Ainsi, la "dimension interpersonnelle" se révèle très importante pour faire face aux imprévus du travail (réel de l'activité). C'est dans cette voie qu'il pourrait y avoir un lien avec l’inaptitude. A la fin de notre intervention, le collectif de gardiens a présenté à la direction plusieurs solutions pratiques.